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Ces mots maudits

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7 septembre 2020
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CES MOTS MAUDITS

Avertissement : Le contenu de cette chronique pourrait choquer les âmes sensibles qui éprouvent un malaise à la simple lecture de certains mots. À l’avance, je vous informe que, malgré l’utilisation de ces mots maudits, je n’ai aucunement l’intention de m’excuser à qui que ce soit.

LE MOT «NÈGRE»

Récemment, les médias ont fait grand état de circonstances où des gens qui avaient osé prononcer le mot «nègre» se sont retrouvés dans l’embarras.

Wendey Mesley, journaliste au réseau anglais de Radio-Canada, CBC, et animatrice de l’émission réputée «The Weekly» a été suspendue pour avoir utilisé le mot «nègre» en citant le titre du livre de Pierre Vallières publié en 1968 : «Nègres blancs d’Amérique» ce qui aurait blessé ses collègues. Cela ne s’est pas produit directement en ondes, Madame Mesley n’a pas utilisé ce mot pour insulter quelqu’un. Non. Elle a tout simplement cité le titre d’un livre qui fait partie de la littérature québécoise lors d’une réunion de travail.

Catherine Russel, professeur de cinéma à l’Université Concordia, a eu le culot de citer le titre de ce même livre en présentant un film sur Pierre Vallières. Des étudiants ont aussitôt lancé une pétition exigeant que l’Université lui retire son cours.

Mesdames Mesley et Russel se sont confondues en excuses, comme si elles se reconnaissaient coupables d’un crime affreux. Dans ces deux mêmes cas, CBC et l’Université Concordia ont perdu une belle occasion de rappeler aux âmes sensibles que le simple fait de citer le titre d’un livre n’équivalait pas à insulter quelqu’un. Si on en est rendu à ce point dans le monde des communications et de l’éducation de haut niveau, j’avoue être très inquiet.

ENCORE ET ENCORE

Comme si les deux cas cités ci-haut ne suffisaient pas, nous avons appris au cours des derniers jours que le célèbre roman d’Agatha Christie intitulé «Dix petits nègres» écrit en 1939, verrait son titre modifié afin de faire disparaître le mot maudit. De plus, ce même mot, qui revient à 74 reprises dans le roman, devra être changé. On suggère de changer le mot «nègre» par la simple lettre «N».

Quel bel exemple d’hypocrisie!

Je me demande si la prochaine étape ne sera pas d’exiger un changement de titre pour le livre de Dany Laferrière «Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer». Notre cher académicien pourra-t-il conserver son siège à l’Académie française malgré l’usage de ce mot maudit? C’est à surveiller.

Permettez-moi un autre exemple de dérapage langagier. Lors du spectacle de la Fête nationale le 24 juin dernier, le chanteur Pierre Lapointe s’est permis de changer les paroles de la chanson «Rideau» de Plume Latraverse. Alors que la chanson originale contient la phrase suivante : «Pis ceux qui sont en tabarnak…», ce cher Lapointe a plutôt chanté : «Pis ceux qui sont pas contents…» Quel manque de respect envers Plume!

Irons-nous jusqu’à interdire les chants de type «Negro spiritual» que l’on peut entendre dans les offices religieux?

Non mais, où va s’arrêter cette folie de vouloir aseptiser le langage quand un mot ne fait pas notre affaire? 

SPORT ET POLITIQUE

Malheureusement, cette tendance lourde ne se limite pas à l’utilisation du mot «nègre». Dans le monde du sport, aux États-Unis, on demande à des équipes, dont le nom faisait référence aux premières nations, comme les «Indians» de Cleveland au baseball et les «Redskins» de Washington au football pour ne nommer que ces deux exemples, de changer leurs noms. 

Dans l’auguste enceinte de l’Assemblée nationale, à Québec, croyez-le ou non, le lexique des «Propos non parlementaires» contient 370 mots qu’il est interdit d’utiliser. 

Je peux comprendre que des insultes comme «bandit», «cochon», «chien de poche» et «nono», à titre d’exemples, puissent être interdits, même si, parfois, ils pourraient être pleinement justifiés, mais que l’on en soit rendu à proscrire l’utilisation des expressions «mauvaise foi», «inflation verbale», «déformer la vérité» et «fausse information», pour ne citer que ces exemples, il y a de l’abus. Surtout que, s’il y a un lieu où on voit nos élus, tous partis confondus, faire régulièrement preuve d’inflation verbale, de déformation de la vérité et de fausse information, c’est bel et bien à l’Assemblée nationale, surtout durant la période des questions.

Mais, là encore, il faut épurer le langage, ménager les susceptibilités et s’éloigner le plus possible de la réalité pour tenter de préserver un décorum qui a le dos large.

Depuis quelques années, le langage courant a lui aussi été victime du bannissement de certains mots qui exprimaient pourtant des notions claires et faciles à comprendre. 

DES MOTS QUI NE VEULENT PLUS RIEN DIRE 
Maintenant, on n’utilise plus les mots sourd et aveugle. On parle plutôt de mal entendant et de mal voyant. Durant la récente pandémie, on a décidé que l’on ne parlait plus d’étudiants dans nos écoles; il faut plutôt dire des apprenants. Je pourrais citer encore de nombreuses idioties du genre, mais je préfère m’arrêter, car à mesure que j’écris cette chronique et que je donne des exemples, les quelques cheveux qui me restent sur le ciboulot se dressent par dépit.

Cette tendance à vouloir aseptiser notre langage pour ménager l’épiderme sensible de quelques réactionnaires me rappelle les méthodes utilisées par ces despotes qui dirigent des pays totalitaires et ça m’inquiète. Peut-être est-ce la réaction d’un vieux dinosaure, mais, si tel est le cas, je l’assume pleinement.

Visionnez tous les textes d'opinion de Pier Dutil

PENSÉE DE LA SEMAINE

Je dédie la pensée de la semaine à toutes ces âmes sensibles qui capotent à la simple prononciation de mots pourtant présents dans les dictionnaires :

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