La direction de l'entreprise nie en bloc
Agropur encore au coeur d'une controverse religieuse
L’usine Agropur de Beauceville se retrouve au cœur d’une autre controverse à caractère religieux. Récemment, une proche d’une employée de l’usine a affirmé sur Facebook que des employés musulmans se seraient dit choqués de voir qu’une femme pouvait porter un décolleté en public. Des allégations que la direction de l’entreprise nie en bloc.
Pour protester contre cette situation, des employés seraient même sortis à l’extérieur de l’usine, interrompant ainsi leur quart de travail.
Hier, sur sa page Facebook, Agropur s’est empressée de nier les faits, mais d’autres témoignages d’utilisateurs contredisent la version officielle. Selon Lisette Lefebvre, qui serait la tante de l’employée en question, les employés de confession musulmane auraient également réclamé que soient installés des locaux de prière dans l’usine.
Une controverse qui démarre sur Facebook
Plusieurs internautes ont réagi sur Facebook aux interventions de Mme Lefebvre et de la direction d’Agropur. Certains disent appuyer « l’ouverture » de la direction vis-à-vis des employés de religion musulmane, alors que d’autres se montrent beaucoup plus critiques relativement à cette situation.
« Nous sommes heureux d'accueillir des nouveaux employés mais outrés de savoir que vous ne défendez pas nos valeurs pendant que les travailleurs en santé se font imposer du temps supplémentaire sous peine de suspension […]. Vous offrez des locaux de prière climatisés à certains zélés avec des subventions du peuple pendant que des gens crèvent de chaleur dans les CHSLD. Je vais boycotter vos produits parce que cette action est inacceptable. La prière doit être réservée aux lieux de culte*.»
– Un utilisateur de Facebook
EnBeauce.com et la direction d’Agropur
EnBeauce.com s’est rendu ce matin vers 10 h 15 à l’usine d’Agropur afin de recueillir le témoignage de la direction. Dans un premier temps, la direction a accepté de recevoir le journal, mais elle s’est ensuite ravisée contre toute attente. Notre journaliste a attendu une trentaine de minutes dans la salle d’attente avant de se faire montrer la porte. L'entreprise semblait en gestion de crise.
La directrice, Nathalie Doyer, a toutefois rappelé notre journaliste vers 13 h aujourd’hui. Mme Doyer a réitéré qu’aucun problème d’ordre religieux n’avait été observé à l’usine de Beauceville. Toutefois, la directrice n’a pas démenti l’information selon laquelle des employés musulmans priaient dans l’usine durant leur quart de travail.
EnBeauce.com a aussi rejoint l’attaché de presse du maire de Beauceville et candidat pour la CAQ dans Beauce-Nord, Luc Provençal. Stéphane Brown a affirmé que M. Provençal et lui allaient « essayer de voir ce qui est fondé là-dedans. » M. Provençal ne souhaite pas commenter avant que toute la lumière soit faite sur l’histoire.
Le point de vue d’un professeur de l’Université Laval
EnBeauce.com s’est entretenu avec Claude Simard, professeur retraité en linguistique de l'Université Laval et auteur du livre L'islam dévoilé (Dialogue Nord-Sud, 2015). Selon M. Simard, « il ne serait pas étonnant que des hommes de confession musulmane soient heurtés de voir dans leur entourage des femmes qu'ils considèrent comme légèrement habillées ».
« Cette attitude s'explique par la vision de la femme que l'islam perpétue. L'islam, comme toutes les autres religions qui s'inspirent du mythe d'Adam et Ève, voit la femme comme une tentatrice qui, par ses charmes physiques, peut susciter la concupiscence de l'homme et l'entraîner dans le péché de la chair. Il faut donc qu'elle soit habillée en public de façon chaste. »
-Claude Simard, professeur retraité de l’Université Laval
Pas une première pour Agropur
Claude Simard a souligné qu'Agropur avait déjà été associée à des controverses à caractère religieux dans les années précédentes. Il a rappelé qu’en 2012, l'entreprise avait décidé de se conformer à la certification casher afin d’écouler ses produits auprès des communautés juives. L’entreprise s’est engagée à se conformer aux règles de pureté alimentaire juives, forçant du même coup tous les consommateurs québécois à boire du lait casher.
« Cette décision [de produire du lait cacher, NDLR] peut être vue comme une grave entorse à la liberté de conscience de la majorité, qui comprend des fidèles d'autres confessions ainsi que tous les non-croyants. »
- Claude Simard
Enfin, M. Simard a affirmé que la direction n’aurait pas intérêt à nier « en son sein l'existence de problèmes nés de la pratique religieuse » si des informations contredisaient sa version. Selon lui, l’entreprise ne pourrait assumer ses responsabilités citoyennes « qu'en prenant des mesures qui respectent les principes et les valeurs de notre société laïque où le religieux est séparé de la vie publique pour être réservé à la seule sphère privée ».
Un enjeu qui pourrait influencer la campagne électorale
Si elle s'avérait fondée, la controverse pourrait rapidement devenir un enjeu lors de la campagne électorale québécoise qui commence demain. Philippe Couillard et François Legault disent vouloir se concentrer sur l’économie, l’éducation et la santé publique, mais il n’est pas impossible que l'élection porte en bonne partie sur l’identité.
Il faut dire que le contexte actuel est très propice à l’éclatement de ce type de controverses. La semaine dernière, le chef de la CAQ a annoncé que son parti allait interdire le port de signes religieux ostentatoires pour les personnes en position d’autorité comme les juges et les enseignants, une position décriée par le Parti libéral du Québec.
*Cette affirmation a été partiellement réécrite de manière à la rendre plus claire.

