Des centres d’entrainement dénoncent une compétition malsaine du Pavillon du cœur
Des centres d’entrainement de la région unissent leur voix et dénoncent une compétition jugée malsaine du Pavillon du cœur Beauce-Etchemin qui, bénéficiant notamment d’un soutien financier de la Ville de Saint-Georges jusqu’en 2018 (100 000$) et d’une exemption de taxe foncière (par le ministère des Affaires municipales), s’est imposé comme un concurrent direct aux entreprises locales dans le domaine de la mise en forme.
Comme l’indique Éric Gosselin, du Studio Santé Gym, l’objectif à la base de la Fondation du cœur est louable, mais en raison de la large palette de services qui est maintenant offerte au Pavillon du cœur, son entreprise se retrouve en situation de concurrence face à un organisme qui bénéficie d’importants avantages financiers. À cet égard, M. Gosselin affirme avoir perdu bon nombre de clients au profit de ce centre d’entrainement. « Ça, c’est sans compter tous ceux que nous perdons sans le savoir », ajoute l’entrepreneur. « Nous voulons seulement qu’il y ait une saine compétition dans le milieu, ce qui n’est présentement pas le cas », mentionne Éric Gosselin.
Du côté du Cardio Gym à Saint-Georges, Jean-Guy Talbot qualifie cette concurrence d’injuste envers les propriétaires de centres d’entrainement évoluant dans le privé. « Encore cette semaine, nous avons perdu deux bons clients qui venaient ici à l’année. Ils ont maintenant un abonnement au Pavillon du cœur », mentionne-t-il. Celui-ci a d’ailleurs bien de la difficulté à digérer que la Ville de Saint-Georges ait octroyé une subvention pour soutenir ce nouveau joueur. « S’ils veulent aller en ce sens et ne pas créer de compétition, qu’ils donnent le même montant à tout le monde », déclare M. Talbot.
Dany Girard, propriétaire du centre de mise en forme Tonus, est entièrement du même avis que ses compétiteurs et voit une problématique évidente dans la situation actuelle. « Nous nous battons contre un monstre », lance-t-il. Comme pour les autres centres d’entraînement, M. Girard affirme avoir perdu des clients qui se sont orientés vers le Pavillon du cœur. « Je connais des personnes en bonne forme qui s’entraînent là-bas. Il semble que les critères de sélections ne soient pas si sélectifs que ça. Pour un organisme qui disait ne pas vouloir nous faire compétition, et bien, nous sommes loin de la chose », déplore-t-il.
Pour le propriétaire de Tonus, la solution à la problématique est simple : la Ville de Saint-Georges doit cesser immédiatement de subventionner ce compétiteur qui jouit d’avantages financiers que les autres n’ont pas. « Je suis pour ça le Pavillon et la Fondation, mais seulement pour les gens mal en point qui sortent de la salle d’opération […] Je veux seulement qu’on remette les pendules à l’heure. Si la Fondation veut jouer dans le marché du privé, qu’elle devienne un organisme privé », rétorque Dany Girard.
Chez Studio Énergie Plus, Cardio 4 Saisons et Cardio Féminin à Saint-Georges, même son de cloche alors que l’on constate une diminution de la clientèle ayant quitté pour le Pavillon du cœur Beauce-Etchemin. « Nous trouvons cela dommage, car nous travaillons d’arrache-pied pour gagner notre vie. Si le Pavillon est là pour aider les gens qui en ont vraiment de besoin, c’est correct, mais quand ça va chercher des clients qui pourraient s’entraîner ici tous les jours, ça pose problème », souligne Vicky Fortin de Cardio Féminin.
Des critères qui vont chercher un large public
Sur papier, les services de l’organisme s’appliquent à une clientèle qui répond à certains critères de sélection. Selon le site Web de l’établissement, les gens présentant l’un des critères suivants pourraient être admissibles : stress élevé, tabagisme, consommation d’alcool (deux boissons alcoolisées par jour), femmes ménopausées, hommes de 55 ans et plus, personnes inactives physiquement ou étant sédentaires, personnes qui ont un surplus de poids ou souffrant d’obésité, maladie cardiovasculaire, maladie pulmonaire, ostéoporose, personnes à mobilité réduite, diabète, cholestérol, personnes qui souhaitent se remettre en forme, qui présentent des facteurs de risque à développer une maladie chronique, qui veulent se remettre en forme graduellement, ou encore qui ont participé à un programme de prévention et de réadaptation.
« Les critères de sélection font en sorte qu’un peu tout le monde a accès à ces services. C’est une vraie farce », lance Éric Gosselin. « Il s’agit là d’une pratique inacceptable considérant que l’organisme finançant cet établissement bénéficie de fonds publics et de tarifs préférentiels dans certains médias […] En plus, ce sont nos taxes municipales et taxes d’affaires qui servent à subventionner ce compétiteur », dénonce-t-il.
Réaction de la direction de la Fondation du cœur
Marie-Andrée Giroux, directrice générale à la Fondation et au Pavillon du cœur Beauce-Etchemin, souhaite rectifier les choses quant à la perception qu’ont les entreprises privées de la région. « Mettons d’abord une chose au clair : la Ville de Saint-Georges ne soutient pas la mission de notre organisme. Elle appuie le projet du Complexe communautaire dans lequel se retrouve le Pavillon du cœur », explique-t-elle. L'organisme est toutefois propriétaire de l'établissement.
« La vocation première du Pavillon du cœur vise à améliorer la qualité de vie, la santé et le bien-être des personnes atteintes de maladies chroniques en proposant une offre de service adaptée. Nos services sont principalement offerts aux personnes nouvellement diagnostiquées d’une maladie chronique ou dont la maladie chronique affecte la vie quotidienne. Une gamme de programmes, d’activités et de services complémentaires a aussi été développée pour que les clients maintiennent les acquis qu’ils ont développés. Une fois rétablies, ces personnes peuvent également poursuivre leur programme dans les centres de conditionnement privés du territoire », ajoute-t-elle.
Mme Giroux rappelle que le projet du Pavillon du cœur devait avoir lieu initialement dans le Complexe sportif qui ne s’est jamais concrétisé. Comme solution de rechange, la Fondation a présenté l’idée du Complexe communautaire au conseil de ville qui a accepté en vertu du fait que le projet s’inscrivait dans une initiative d’entreprise d’économie sociale. « C’est d’ailleurs cela qui nous a permis d’obtenir une aide de 462 000 $ du Programme d’infrastructures en entrepreneuriat collectif (PIEC) du ministère des Affaires municipales afin de réaliser le projet », souligne Marie-Andrée Giroux.
Dans un contexte d’entreprise d’économie sociale, l’organisme se doit de générer ses propres revenus pour ne pas dépendre continuellement du gouvernement, d’où l’idée d’élargir les services à une plus vaste clientèle. « Notre mission est d’aller chercher les gens qui n’iraient pas dans les centres privés […] J’avoue cependant qu’il y a une zone grise en ce qui concerne la prévention », mentionne-t-elle. Selon Mme Giroux, le Pavillon compte aujourd'hui près de 600 membres.
« Le modèle coopératif de notre organisme dispose d’un financement limité réparti de la façon suivante : 25 % du CISSS de Chaudière-Appalaches, 25 % de la Fondation du cœur Beauce-Etchemin et 50 % de revenus autonomes qui sont nécessaires et essentiels au maintien de la mission de notre organisation. Le Pavillon du cœur ne roule pas sur l’or et doit relever le défi du financement avec rigueur et assiduité afin de maintenir ce précieux service sur le territoire », explique la directrice de l’organisme.
Par ailleurs, Marie-Andrée Giroux affirme que le Pavillon du cœur aurait permis aux centres de mise en forme de la région de regagner des clients. « Nous avons pris des gens en mains, nous les avons remis sur pieds, et aujourd’hui, certains s’entrainent dans les gyms privés à Saint-Georges », souligne-t-elle. Or, les propriétaires de centres d'entrainement affirment à l'opposé avoir perdu des clients au profit de l'organisme.
Finalement, la directrice générale de l’organisme dit ne pas vouloir se lancer dans une guerre contre les centres d’entrainement de la région et se dit prête à collaborer davantage avec le milieu. « Le conseil d’administration a toujours eu le souci de ne pas faire compétition au privé et d’offrir les services de l’organisme à une clientèle malade ou fragile qui ne fréquenterait pas les centres autrement. La collaboration avec les centres du territoire s’est conclue avec trois d’entre eux et souhaitée avec les autres afin de rendre accessible cette expertise », affirme Mme Giroux.
Réaction à la Ville de Saint-Georges
Contacté à ce sujet, le maire de Saint-Georges Claude Morin dit bien comprendre la problématique que vivent les propriétaires de centres d’entrainement, mais pour l’instant, la Ville gardera le Statu quo.
Dans l’ordre des choses en vue de trouver une solution au problème présent, M. Morin invite ainsi les propriétaires de centres d’entrainement à contacter leur conseiller municipal afin que la question soit débattue au conseil.