Éthique, participation citoyenne, génétique et santé : Rencontre avec l’anthropologue Chantal Bouffard
Originaire de Saint-Prosper, la Docteure en anthropologie Chantal Bouffard, a présenté une conférence, la semaine dernière au Cégep Beauce-Appalaches, sur l’éthique et la participation citoyenne. Mme Bouffard est professeure au Service de génétique de la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke. Elle a développé une expertise sur les aspects sociaux de la génétique et de la bioéthique. Rencontrée avant sa conférence, elle a abordé les grandes lignes de son message, défait certains mythes entourant la génétique et a commenté l’état du système de santé québécois.
L’acquisition de connaissances, la compréhension et la remise en question sur la place publique de divers enjeux cruciaux font partie d’une participation citoyenne nécessaire, selon Mme Bouffard, pour améliorer la société. Les forums réunissant des experts, des décideurs politiques et des citoyens autour d’une question éthique sont un des moyens d’agir et de prendre ses responsabilités de citoyen. Mme Bouffard croit qu’un des derniers pouvoirs que possède encore le citoyen est celui du savoir. «La population doit se rencontrer dans une dynamique d’échange, croit-t-elle, et davantage s’engager socialement». Dans l’objectif de prendre des décisions le plus éclairées possibles, le citoyen doit s’informer et réfléchir. Elle juge également essentiel de questionner les instances de savoir et de pouvoir. Elle souligne qu’il faut tendre à trouver le juste équilibre entre le bien-être individuel et collectif.
La génétique, pas que du clonage!
Spécialisée sur les aspects sociaux de la génétique, elle a, dès le début de l’entretien, rappelé que la génétique ne se limite pas au clonage, au contraire, et que deux discours sont très présents à ce sujet au pays. Certains voient la génétique comme une science qui peut sauver le monde, tandis que d’autres considèrent ces avancées médicales comme étant machiavéliques, apocalyptiques, selon Mme Bouffard. L’ajout de vitamine D au lait est la réalisation d’un généticien québécois, a affirmé l’anthropologue, qui voulait montrer plusieurs facettes qu’on oublie de la génétique. Cette avancée fait consensus dans le monde comme étant une bonne chose, ajoute-t-elle.
Les secteurs du clonage et celui du diagnostic préimplantatoire (DPI) chez les fœtus par exemple, qui sont plus controversés, font craindre aux gens une forme d’eugénisme. Le DPI permet de faire le diagnostic des embryons avant qu’ils ne soient implantés dans l’utérus de la femme lors de pratiques comme la fécondation in vitro. Mme Bouffard a souligné les problèmes éthiques reliés à la responsabilité humaine de mettre au monde ou non des enfants atteints de maladies graves. Le DPI permet, selon l’anthropologue, de vaincre la maladie en l’éradiquant de sa généalogie, mais ouvre la porte à une forme de sélection humaine. Mme Bouffard rassure toutefois que le DPI ne sert pas à améliorer la race puisque son utilisation est très limitée, mais bien à prévenir qu’un enfant vienne au monde atteint d’une maladie grave. Les questions éthiques liées à la génétique sont un bon exemple de l’importance pour les citoyens d’être bien informés et de questionner les savoirs et les pratiques.
Le système de santé québécois n’a pas la forme!
On l’entend, le dit, le répète, le système de santé québécois est mal en point. Souvent sur le terrain, Mme Bouffard constate que l’état du système est souvent pire que ce que l’on en dit. Elle déplore une mauvaise gestion et affirme que le portrait que nous fait le ministère du réseau n’est pas toujours complet. Les données statistiques fournies ne tiendraient pas toujours compte des patients à l’urgence qui sont transférés dans une autre salle d’attente. Pour elle, le système se doit de demeurer universel, donc gratuit pour tous. «C’est un principe important d’égalité», selon l’anthropologue. Elle ne ferme toutefois pas la porte aux médecins qui auraient envie d’ouvrir des cliniques privés, «tant que l’accès est le même pour tous».
L’entretien avec Mme Bouffard s’est terminé sur un des principaux messages de sa conférence, que la participation citoyenne à l’éthique est un des derniers pouvoirs que détient le citoyen dans l’exercice de la démocratie. Des débats, des échanges, des discussions doivent avoir lieu sur différents enjeux, comme sur des questions primordiales touchant l’être humain et son développement, la santé et l’environnement. Mme Bouffard a souligné que de nombreux défis nous attendent. Elle a dit que «l’argent donne parfois l’impression aux gens qu’ils peuvent vivre seuls», alors qu’il faut, selon elle, «apprendre à mieux vivre ensemble».
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