Deuxième de deux articles
Paroisse Sainte-Famille-de-Beauce: entre foi et bâti
Faute de moyens financiers pour rendre conforme l'aménagement intérieur du presbytère de Saint-Joseph-de-Beauce et y maintenir son centre administratif, la Fabrique de Sainte-Famille-de-Beauce a déménagé ses effectifs dans un espace locatif. Le bâtiment patrimonial est présentement vide. Une affichette en devanture signale qu'il est à louer.
C'est possiblement à Saint-Alfred que la transformation de l'église locale est la plus inusitée mais aussi la plus pragmatique. En effet, pour lutter contre l'insécurité alimentaire, l'église du village deviendra un centre régional de distribution de légumes frais. Les travaux de conversion seront complétés cette année.
La Paroisse Sainte-Famille-de-Beauce est loin d'être la seule au Québec à vivre une crise financière profonde, qui l'amène à faire des choix déchirants, pour consacrer l'essentiel de ses ressources humaines, financières et matérielles à l'exercice du culte catholique, qui est sa mission première.
La fréquentation anémique des messes, la quasi disparition des mariages, les cérémonies de funérailles qui se passent de moins en moins dans l'enceinte des églises, avec une population de plus en plus laïque, athée et agnostique, qui n'a aucune idée de ce que peut être la dîme, sont une réalité implacable dont la résultante est un tarissement financier auquel les administrateurs de fabrique sont confrontés
Comme l'a déjà déclaré à EnBeauce.com le président sortant de la Paroisse Sainte-Famille-de-Beauce, Jean-Denys Rancourt, «la situation ne pourra pas revenir à la normale sans une vision long terme et du courage pour mener à bien une restructuration.». De plus, cet état normal n'aura certes pas les airs fastes d'autrefois. Et dans certains cas, pas le même lieu de pratique religieuse.
Par la force des choses, la paroisse a entrepris depuis quelques années «d'optimiser» son parc immobilier (baptisé Plan directeur d'immobilisations ou PDI) par la vente de presbytères et la cession d'églises. Car le maintien en opération des temples est devenu un gouffre financier insoutenable dans la majorité des communautés. Pour donner priorité au culte, c'est le bâti qui est de plus en plus sacrifié. Des décisions pour assurer l'avenir, en laissant aller ce qui a été construit dans le passé.
Le cas de Saint-Joseph-de-Beauce
Au cours de l'année 2024, dans le but de réduire les dépenses, le conseil d'administration de la Fabrique a pris la décision de rapatrier tout le personnel administratif dispersé dans les communautés de la paroisse, vers Saint-Joseph-de-Beauce, où se trouve son centre administratif.
Ce dernier était établi dans le presbytère de l'endroit, un bâtiment patrimonial datant de 1892. Or, l'édifice aurait nécessité des travaux majeurs de rénovation intérieure (+ de 200 000 $) pour accueillir adéquatement tout le personnel, et être conforme aux normes de la CNESST. Les administrateurs ont plutôt opté pour louer un espace à bureaux. (Voir autre texte: Paroisse Sainte-Famille-de-Beauce: la situation financière de plus en plus précaire)
Cette décision de déménagement, qui a été complété au cours de l'été dernier, a été très mal accueillie par le Comité de financement de la restauration du presbytère (présidé par l'homme d'affaires joselois et philantrope Louis Jacques) qui, depuis 2017, a recueilli plus de 550 000 $ de la communauté, et obtenu de nombreuses subventions, totalisant jusqu'ici 1,3 M$, pour retaper l'enveloppe extérieure de l'immeuble.
Le but premier de revitalisation du presbytère était justement de lui conserver sa vocation religieuse, notamment comme siège social de la paroisse, résidence de prêtres et lieu de rencontres pour des activités pastorales. Maintenant, le presbytère est vide et une petite affichette devant indique qu'il est à louer.
Aussi, une bonne partie de la soixantaine de paroissiennes et paroissiens, qui ont assisté à l'assemblée houleuse de la fabrique de la communauté de Saint-Joseph-de-Beauce, tenue le 28 novembre dernier, ont blâmé les marguilliers de ne pas avoir été informés du déménagement et de s'être retrouvés devant un fait accompli.
Deux semaines avant cette rencontre, lors de la conférence de presse du 13 novembre, au cours de laquelle le député de Beauce-Sud, Luc Provençal, avait annoncé l’octroi d’une somme de 400 000 $ pour mener à bien la phase 3 de restauration du presbytère (restauration des fenêtres, des portes extérieures et cadres) le vice-président de la fabrique de Sainte-Famille-de-Beauce, Marc-Antoine Parent, ne s'était pas caché pour dire que la paroisse était ouverte à des offres qui pourraient être faites pour acquérir le presbytère.
Il faut noter également qu'une subvention de 400 000 $, octroyée en 2022 par le gouvernement du Québec, cette fois pour la restauration de la fenestration de l'église de Saint-Joseph, dort sur les tablettes puisque la Fabrique ne dispose pas des 100 000 $ pour compléter le financement du projet. Les travaux n'ont aucunement été entrepris et la subvention pourrait être perdue compte tenu des délais.
Les bâtiments cédés
Le mouvement de «requalification des lieux de culte excédentaires patrimoniaux», comme s'intitule le programme de financement du Conseil du patrimoine religieux du Québec, est entamé depuis plusieurs années au sein de la Paroisse Sainte-Famille-de-Beauce. Voici l'état des lieux en ce début d'année 2025:
Frampton
— Lors d'une assemblée le 10 octobre 2024, la fabrique a indiqué aux paroissiens que l'église Saint-Édouard de Frampton allait être mise en vente dans un avenir rapproché, compte tenu du manque de revenus de la communauté et du faible achalandage aux messes. Le conseil municipal de l'endroit, avec en tête son maire Jean Audet, a demandé aux dirigeants de la paroisse un carnet de santé sur l'état du bâtiment. Les élus se donnent jusqu'en mai prochain pour réfléchir sur l’avenir de l’église Saint-Édouard.
Saint-Alfred
— C'est possiblement à Saint-Alfred que la transformation de l'église locale est la plus inusitée mais aussi la plus pragmatique. En effet, pour lutter contre l'insécurité alimentaire, l'église du village deviendra un centre régional de distribution de légumes frais à l'année dans huit MRC de Chaudière-Appalaches, en plus de supporter les organismes d’aide alimentaire par l’entremise de Moisson Beauce. Les travaux d'aménagement sont en cours depuis un an et devraient être complétés dans les prochains mois. Le projet s'élève à 1,2 M$ et est mené par l'organisme Cultiver et partager. Quant au presbytère de l'endroit, il avait été vendu à un particulier, voilà plus de 10 ans, pour en faire une résidence.
Saint-Séverin
— Tranquillement mais assurément, la Municipalité de Saint-Séverin travaille depuis cinq ans à préparer son temple imposant, qui domine le petit village, à de nouveaux usages. Lors d'un entretien récent avec EnBeauce.com, le maire, René Leduc, a indiqué que des propositions chiffrées seront présentées à son administration prochainement, ce qui permettra de faire le choix de projet qui sera retenu. Vraisemblablement, l'église se convertira en centre multi-fonctionnel, a laissé entendre l'élu.
Saint-Victor
— Après en avoir fait l'acquisition pour la valeur nominale d'un dollar en mars 2023, la Municipalité de Saint-Victor a effectué des travaux sur son presbytère pour en faire une édifice locatif de bureaux et commercial.
Saints-Anges
— Un comité a été formé par la Municipalité de Saint-Anges pour déterminer ce qu'il adviendra de son église, qui est inopérationelle depuis 2023. Les acteurs locaux et régionaux (comme la MRC de La Nouvelle-Beauce), se sont donnés un délai de deux ans pour examiner les projets viables. Le comité a d'ailleurs reçu une subvention du Conseil du patrimoine religieux du Québec pour la requalification de son église. Aussi, depuis septembre dernier, le presbytère accueille un service de garde éducatif communautaire.
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