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Une chronique du Musée ferroviaire de Beauce

Nos « ponts des chars » de 1881 à aujourd’hui (1 de 2)

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27 février 2022
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Alors que la démolition du pont de chemin de fer vient d'être complétée sur la rivière Chaudière à la hauteur de Vallée-Jonction, EnBeauce.com publie le premier de deux articles sur les structures du genre qui se sont succédées au fil des ans. Une collaboration spéciale de François Cliche du Musée ferroviaire de Beauce. 

Nous sommes le dimanche 22 mars 1881 à la sortie de la grand-messe, sur le perron de  l’église Notre-Dame-des-Victoires de Lévis, lorsqu’un shérif procède à une vente à la criée  un peu spéciale.

En effet, la « Quebec Central Railway » (QC) est en frais d’acquérir la totalité des actifs de la « Levis & Kennebec Railway » (L&K) au montant de 192 000 $.  Les deux chemins de fer se font déjà face de chaque côté de la rivière Chaudière depuis  l’automne précédent, vis-à-vis la première station « Beauce Junction » du L&K érigée en  1879. 

Un lien ferroviaire direct
On projette depuis plusieurs années relier ensemble les deux compagnies ferroviaires quelque part en Beauce, alors que Scott est à l’origine la jonction de prédilection prévue.  Prodigieusement, le 23 mai 1881, on assiste à l’inauguration du tout premier « pont des  chars » devant la station « Beauce » (qui deviendra plus tard Vallée-Jonction), offrant ainsi  un lien direct entre les gares du L&K à Lévis et du QC à Sherbrooke. Durant plusieurs  années par la suite, la QC se fait alors une fierté d’annoncer ce lien direct dans toutes ses  publicités et publications. 

Un pont des chars couvert
Cette première structure toute en bois est de style « pont couvert », avec cheminées  centrales pour l’évacuation de la fumée des engins.

Ancrée sur des piliers faits de cages  de bois remplies de roches, on érige un peu plus en amont d’autres piliers en pente  recouverte par des rails agissant comme brise-glaces. Emportée lors de la grande  débâcle d’avril 1896 par l’amoncellement de glace alors que la Chaudière sort de son lit  plus qu’à son habitude, un second pont du même style est reconstruit.

À partir de 1903, par temps perdu, on commence à le débarrasser de son revêtement de bois (toiture, cheminées et murs extérieurs), de manière à lui conserver seulement son  bâti principal, tout en poursuivant le service de passagers et de marchandises entre  Sherbrooke, Mégantic et Lévis.

Les travaux visent sa reconstruction par un premier pont  de fer pour l’année 1905. Déjà à cette époque, quelque 10 000 personnes transitent  annuellement sur les quais de la gare « Valley Junction ». 

Le gros mécano noir
Le 31 juillet 1917 deviendra une date mémorable, alors que survient la plus dévastatrice  inondation que la Beauce ait connue, quand de fortes pluies ayant duré près de deux jours font grimper le niveau du célèbre cours d’eau en Beauce de trente pieds au-dessus de  son niveau habituel.

Dans un immense fracas, « le gros mécano noir du ciel de notre  village de Vallée-Jonction », tel qu’imagé par notre écrivain local René Jacob, est emporté  par la force du courant.

La grande quantité de bois de papier dravé sur la Chaudière, en  plus de nombreux bâtiments de toutes sortes ont raison de l’ouvrage, une heure  seulement avant la fin de la crue des eaux.

Le pont ira finalement s’échouer au fond de  la rivière, une centaine de pieds plus loin et en quatre sections tordues. Seuls les trois  piliers de béton armés survivent à la tragédie. 

Ce fut décrit ainsi dans un livre de la Fabrique de l’Enfant-Jésus (Vallée-Jonction):

« La première semaine d’août 1917 fera époque dans notre paroisse et sur le parcours  de la rivière Chaudière. Le 29 juillet il a plu. Le 30 ç’a été encore pis. C’était des orages  continuels et l’eau tombait à torrent… La pluie a cessé vers les 10 heures du soir après  avoir tombé sans interruption… et tout le firmament était en feu et le tonnerre grondait  continuellement. Alors a débuté l’inondation vers 11 heures et à minuit les personnes  habitant les maisons au nord-est de la ligne du QC (soit entre l’église et la gare)  commencèrent à se préparer pour sauver leurs meubles. À 5 heures du matin l’eau avait  atteint la hauteur de la dernière inondation en juin dernier. Elle continua à monter jusqu’à  midi du 31 juillet. Elle s’éleva au plafond des maisons au bas de la ligne, 7 à 8 pieds de  plus haut que la dernière inondation. À 7 heures ¼ le pont de bois des deux rives quitte  ses piliers et descend comme un navire… Une partie emporte le pont de Ste-Marie et le  dépose à ½ mille... À 11 heures le pont du Québec Central est renversé et quitte les  piliers travée par travée… Puis le mercredi le hangar au charbon du QC passait au feu. »

Au lendemain du désastre, il est temps pour la Québec Central de constater les lourdes pertes qui se chiffreront à plusieurs centaines de milliers de dollars.

Il est alors primordial de reconstruire dans les meilleurs délais ce pont indispensable qui assure le lien direct  entre les Cantons-de-l’Est, les États-Unis et le Saint-Laurent. Malgré des dégâts  considérables aux rails dans toute la vallée de la Chaudière, la QC réussit un tour de force  en érigeant un nouveau tablier au pont en seulement deux semaines. 

Pour la structure principale, on parle d’ériger un pont neuf tellement il est endommagé,  mais finalement, on réussit à le remettre sur ses mêmes piliers en novembre de la même  année

L’actuel et quatrième « pont des chars » serait donc tout possiblement une  reconstruction de la structure de quelque 520 pieds, soit quatre travées d’environ 130 pieds chacune, démantelée au fond de la rivière à la fin de l’été de 1917.

Bien ancré  pourtant, il avait été solidement érigé sur les vieux piliers d’origine datant de 1881, qui  étaient en réalité d’immenses cages de bois enrochées. Ce n’est qu’en 1912 que l’on  remplaça ces ancestrales assises, devenues désuètes et qui « menaçaient ruine », par  de solides piliers en béton armé. Et depuis la grande crue du 19 mars 1936, pour résister aux rudes épreuves amenées par la rivière de plus en plus « débordante » de sautes  d’humeur, ainsi que pour le protéger lorsque les glaces viennent frapper sur ses piliers, l’ajout des wagons sur le pont pour l’appesantir deviendra tradition.

Collaboration spéciale de François Cliche - Musée ferroviaire de Beauce.

À lire également:
Nos « ponts des chars » de 1881 à aujourd’hui (2 de 2)

Une conférence de François Cliche sur l'histoire du train en Beauce

Pont ferroviaire de Vallée-Jonction : un symbole architectural qui disparaît

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