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Du mauvais théâtre

durée 18h00
13 novembre 2023
duréeTemps de lecture 4 minutes
Par
Pier Dutil

Les négociations entre les quelque 600 000 employés syndiqués du public et du parapublic et le Gouvernement du Québec me font souvent penser à une pièce de théâtre. Malheureusement, c’est du bien mauvais théâtre. On est beaucoup plus près d’une tragédie que d’une comédie.

Le scénario habituel

De négociations en négociations, on assiste toujours au même scénario. D’une part, les syndicats présentent leurs demandes, souvent exagérées, que l’on sait à l’avance impossible à satisfaire. D’autre part, le Gouvernement présente ses offres, souvent minimum, qu’il sait lui aussi qu’elles sont insuffisantes.

Et, après de nombreuses rencontres, déclarations provocantes, nouvelles offres et contre-offres, voire même parfois de débrayages, on finit par s’entendre et les deux parties disent avoir réalisé des gains importants. Tout va très bien madame la marquise.

Malheureusement, les présentes négociations rejouent ce même scénario.

Les gaffes du Gouvernement

Avant même que s’amorcent les présentes négociations, le Gouvernement caquiste a décrété une augmentation de 30 % du salaire des Députés. Il est vrai que, de 2013 à 2022, le salaire de nos élus n’avait augmenté que de 15 % en neuf ans, soit moins que le taux d’inflation. Un certain rattrapage était justifié, mais le moment fut très mal choisi. Cette augmentation aurait été mieux accueillie si on avait prévu qu’elle ne s’appliquerait qu’aux élus de la prochaine élection, soit en 2026.

Comme si cela n’était pas suffisant, le Gouvernement a offert une augmentation de 21 % aux policiers de la SQ qui sont déjà parmi les employés de l’État les mieux payés et c’est tant mieux pour eux. Malgré ce haut pourcentage d’augmentation, l’entente de principe survenue entre les représentants syndicaux et ceux du Gouvernement a été rejetée par les membres. Depuis, c’est le silence.

Les abus des syndicats

De leur côté, les dirigeants syndicaux utilisent un discours provocateur et parfois même abusif.

Avant même qu’une nouvelle offre soit présentée il y a une dizaine de jours, on annonçait son rejet. On osait même qualifier l’offre «d’insultante». Pourtant, cette offre représentait une dépense supplémentaire d’un milliard de dollars pour le Gouvernement. J’ai déjà vu pire comme insulte.

Après avoir rejeté cette nouvelle offre, les dirigeants syndicaux ont refusé de présenter une contre-offre, s’en tenant à leur demande initiale.

Pourtant, le mot négociation implique que les parties en cause sont disposées à faire des compromis afin d’en venir à une entente.

Bien assis sur leur position, les dirigeants syndicaux ont entrepris des débrayages ponctuels qui pourraient mener à une grève généralisée paralysant les services publics. 

Les vraies victimes

Les vraies victimes de ces grèves ne sont pas les élus. Ce sont les citoyens comme vous et moi qui devront rivaliser de prouesses pour garder les enfants dont les écoles et les garderies seront fermées. Ce sont aussi les patients déjà en attente de soins qui tardent à venir qui verront les délais étirés une fois de plus.

Et, finalement, c’est l’ensemble des contribuables qui auront à payer la note des nouvelles conditions salariales. Il importe de rappeler que chaque fraction de 1 % d’augmentation salariale représente une dépense de 600 millions de dollars (600 M$) que le Gouvernement viendra chercher dans nos poches.

Bien ou mal payés?

Pour se faire une idée à savoir si les employés des secteurs public et parapublic sont bien ou mal payés, je me réfère aux données fournies par l’Institut de la Statistique du Québec, un organisme neutre dans le débat actuel.

Selon cet organisme, sur le plan salarial uniquement, en 2022, les employés de l’État touchaient un salaire moyen de 55 652 $, soit 11,9 % de moins que les autres salariés québécois.

Mais le salaire n’est pas tout. Pour comparer l’ensemble des conditions de travail, il faut également considérer les plans de retraite, les congés fériés, la durée des vacances et le nombre d’heures travaillées par semaine. 

Lorsque l’on additionne tous ces éléments, les conditions de travail des employés de l’État ne sont plus qu’à 3,9 % en dessous des conditions de travail moyennes de l’ensemble des salariés québécois. Cette comparaison ne tient pas compte de la sécurité d’emploi dont bénéficie les employés de l’État versus les employés des secteurs privés.

Aux yeux de plusieurs, les employés de l’État sont souvent considérés comme des «gras-durs» dont les conditions sont enviables. Ce n’est pas le cas. D’ailleurs, si vous en voulez une preuve, les divers services gouvernementaux peinent à recruter de nouveaux employés. Si les conditions étaient aussi merveilleuses que certains avancent, on se bousculerait à la porte des divers services gouvernementaux pour y postuler des emplois.

La méthode Bellemare

Si le scénario des négociations se répète à chaque renouvellement des conventions collectives, je me demande si l’on ne devrait pas revenir à une méthode ancienne suggérée par Maurice Bellemare, député de l’Union nationale de 1944 à 1970 et Ministre du Travail dans le cabinet de Jean-Jacques Bertrand à la fin des années 60.

M. Bellemare suggérait que l’on enferme dans une même salle les négociateurs syndicaux et gouvernementaux, que l’on barre les portes à partir de l’extérieur et que l’on attende que les deux parties en soient venues à une entente avant d’ouvrir à nouveau les portes. 

Une telle méthode est sans doute excessive et a peu de chance d’être utilisée, mais elle aurait le mérite d’éviter que les négociations deviennent une grande pièce de théâtre dont les acteurs sont prêts à poser des gestes spectaculaires dans le seul but de s’attirer la faveur du public.

D’ici à la solution de l’actuel conflit, espérons que les deux parties sauront faire preuve de sens commun en n’oubliant pas qu’elles sont avant tout au service des contribuables qui paient pour ces services.

Pensée de la semaine

Je dédie la pensée de la semaine aux négociateurs syndicaux et gouvernementaux.

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